dimanche 26 avril 2015

Les trois catégories de traducteurs

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Dans le sillage direct des 3 principes de Haute Traduction® selon M.S., voici maintenant les 3 catégories de traducteurs, dont la classification est paraphrasée d'après ce que Philip Kotler, gourou du marketing, disait des entreprises :
« On peut compter trois catégories de [traductrices/traducteurs] : 1) celles et ceux qui font en sorte que les choses se produisent, 2) celles et ceux qui observent ce qui se passe, et enfin 3) celles et ceux qui se demandent ce qui est arrivé. »
La question est, chère lectrice, cher lecteur, en supposant que tu sois du métier : « à quelle catégorie j'appartiens ? », chacun/e ayant sa propre réponse...

Depuis plusieurs années déjà, l'univers de la traduction est traversé par des (r)évolutions technologiques incessantes, ou un darwinisme digital, si vous préférez, idée chère à Brian Solis, selon laquelle la technologie évolue plus vite que la capacité que nous avons de l’intégrer !


Sources :
http://darmano.typepad.com/logic_emotion/2012/05/social_biz.html
http://fortworthprsa.org/wp-content/uploads/2013/02/PRSARadioShack.pdf
http://fr.slideshare.net/jmleray/marketing-branding-pour-traducteurs-interprtes-tinvom-2015

Des bouleversements aussi profonds que fréquents, qui font justement que les traducteurs-interprètes sont souvent les premiers à être "lost in translation", égarés et confus sur un marché qui va plus vite qu'eux et qu'ils n'arrivent plus à suivre. Une confusion à propos de laquelle le prof. Michael Cronin, dans son essai "Translation in the Digital Age" (Routledge © 2013), cite en exergue le début de la magnifique autobiographie d'Andre Agassi, Open :
J’ouvre les yeux et je ne sais plus où je me trouve, ni qui je suis. Rien d’exceptionnel à cela, j’ai passé la moitié de ma vie dans l’ignorance. Pourtant, cette fois l’impression est différente. La sensation de trouble est plus angoissante. Plus totale.
(Éd. Plon, 2009. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Suzy Borello et Gérard Meudal)

D'après moi, l'anglais est plus percutant (et donc, plus juste, en collant mieux à la réalité) : « The confusion is more frightening. More total. » - La confusion est plus effrayante. Plus totale...

Selon M. Cronin, un sentiment de confusion bien connu de toute personne impliquée dans le marché actuel de la traduction, où l'omniprésence des solutions en ligne, la prolifération des applis traduisantes sur smartphones, la progression inarrêtable vers l'automatisation à grande échelle des projets de traduction, les changements fondamentaux dans les pratiques d'alphabétisation au fur et à mesure que les lecteurs migrent de la page écrite à l'écran, l'impitoyable instantanéité de la communication électronique lorsque les clients s'attendent à des réponses 24/7/365, la panoplie en constante évolution des logiciels de traduction numériques tels que les mémoires de traduction, etc., sont autant de facteurs qui contribuent à forger la sensation que « cette fois l’impression est différente ». La traduction a déjà connu de nombreuses transformations dans le passé, mais aujourd'hui « la confusion est plus effrayante, plus totale. »
[His] sense of confusion will be familiar to anyone engaged at whatever level with translation in the present moment. The omnipresence of online translation options, the proliferation of smartphone translation apps, the relentless drive towards automation in large-scale translation projects, the fundamental changes in literacy practices as reading migrates from page to screen, the unforgiving instantaneity of electronic communication as responses are demanded 24/7, the ever-changing wardrobe of digital translation props such as endlessly mutating translation memory software – all of these factors contribute to the sense that ‘this feels different’. There may have been changes before but this time, the ‘confusion is more frightening. More total.’

Pour ne citer qu'un exemple simple, prenons celui de la traduction automatique (TA pour les intimes). Dès les années 30 du siècle dernier, américains, russes et français se lancent dans la course à la machine à traduire... Des centaines de millions de dollars et environ 70 ans plus tard, tout cela n'a débouché sur pratiquement rien de concret ni d'exploitable, si ce n'est quelques exceptions notables. Jusqu'à l'arrivée de Google et à son implication dans la TA.

Or depuis une bonne décennie, que font les traducteurs professionnels confrontés à la TA ? Ils préfèrent contourner la question, au mieux en l'abordant sous l'angle de la dérision, au pire en brandissant le mythe de l'extinction proche de la traduction humaine, remplacée par des moteurs (le terme anglo-saxon de machine translation est d'ailleurs suffisamment explicite). Pour autant, méconnaître un problème ne veut pas dire qu'il disparaisse, cela signifie juste montrer l'ignorance et le manque de clairvoyance de qui préfère mettre la tête dans le sable...

Du 16 au 18 avril derniers j'étais à Tunis, où j'ai pu assister à la présentation du Prof. Anthony Pym, président de l'European Society for Translation Studies, sur l'impact de la traduction automatique basée sur des règles statistiques (modèle Google), dont l'idée centrale était que la post-édition d'une traduction automatique permet aujourd'hui d'atteindre le point de bascule (the tipping point), au-delà duquel il n'y a plus vraiment de différence qualitative significative entre une traduction humaine et une traduction automatique post-éditée, avec même quelques avantages de productivité en faveur de cette dernière.

Ce qui se traduit (c'est le cas de dire) par une constatation simple : après avoir passé des années et des années à le sous-estimer ou à prendre le problème à l'envers, une fois que celui-ci n'est plus évitable, nombre de traducteurs/traductrices sont complètement dépassé(e)s par les événements.

Donc, face à cette situation en perpétuel changement, certains essaient d'anticiper en ayant une attitude proactive, d'autres se contentent d'observer passivement, d'autres enfin adoptent la politique de l'autruche en pensant mieux se préserver ou défendre des intérêts chichement thésaurisés, mais en général ils sont définitivement largués lorsqu'ils s'en rendent enfin compte ou que la réalité se rappelle à leur bon souvenir.

Je vais donc essayer de décrire le mieux possible, selon mon expérience, ces trois catégories, après quoi il reviendra à chacun/e de se positionner au plan personnel autant que professionnel. [Début]

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1. Celles et ceux qui font en sorte que les choses se produisent

J'ai écrit mon premier billet sur Google et la traduction automatique il y a neuf ans déjà, suivi par de nombreux autres depuis. Juste pour tenter de comprendre et de m'adapter. Jusqu'à en conclure que la TA n'est pas une menace à craindre mais une opportunité à saisir, un complément qui vient s'ajouter à la trousse à outils déjà bien fournie du traducteur.


Donc plus elle gagne en qualité, notamment grâce à l'auto-apprentissage des moteurs de TA, plus elle peut m'aider dans mon travail. Mais elle ne remplace pas le traducteur humain, non ! Elle modifie seulement son champ d'intervention, via l'application de concepts clés tels que la pré- et la post-édition, alimenter les corpus et les bases de données linguistiques (BIG DATA) selon les principes du QIQO et non du GIGO (de mouton :-), etc.

Or comme nous l'avons vu en préambule avec la citation de M. Cronin, la TA n'est qu'une des nombreuses menaces possibles, un argument de poids chez les professionnels fermement convaincus que la traduction est en situation de crise. Qui sont souvent les mêmes que celles et ceux se limitant à observer et à critiquer ou à se plaindre, mais en se gardant bien d'agir pour tenter de faire bouger les choses, de faire évoluer le marché. Lesquel(le)s devraient se rappeler :
En chinois « crise » se dit Wei Ji, à savoir l’association de deux idéogrammes signifiant respectivement danger (Wei) et opportunité (Ji).

C'est l'éternelle histoire du verre à demi-plein ou à demi-vide, le choix du pessimisme et de l'inaction. En revanche le traducteur proactif est "Ji" : tous ces bouleversements représentent une formidable opportunité d'améliorer les choses, tant pour l'ensemble de la profession qu'au niveau personnel : « Ji vais ! » [Début]

2. Celles et ceux qui observent ce qui se passe

Rappelez-vous la fameuse règle des 1%, qui divisait la population des internautes en trois blocs (1/9/90, ou "the one-nine-ninety rule"), ainsi répartis : 1 % de contributeurs qui créent le contenu, 9 % de commentateurs qui réagissent d'une manière ou d'une autre, 90 % de lecteurs passifs ou, pour faire plus geek, de lurkers, qui "consomment" seulement le contenu ainsi produit par les premiers 10%.

Une règle qui a sûrement marqué les débuts du Web mais qui commence à changer avec la montée en puissance des réseaux sociaux, comme le signale Forrester en 2007 avec son échelle de la participation :


Où l'on voit une évolution du 90/10 vers un 85/15, ce qui représente déjà un sérieux changement dès lors que ces taux portent sur plusieurs centaines de millions d'internaute (5% de cent millions = 5 millions de personnes, soit plus que les habitants d'une ville comme Rome !).

Trois ans plus tard, la nouvelle étude de Forrester indique que l'on est en train de passer de la règle des 1% à celle du ¼, puisque les créateurs de contenus totalisent désormais 24% de l'ensemble !


Chose confirmée en 2012 par une étude de la BBC menée au Royaume-Uni sur un échantillon de 7 500 adultes, qui inverse définitivement la tendance en établissant que la participation est en train de devenir la règle, et non plus l'exception, avec 77% d'actifs vs. 23% de passifs.

La chose est heureuse car cela signifie que de plus en plus d'internautes participent au fur et à mesure que le temps passe et que le Web mûrit, même s'il restera toujours une part d'irréductibles enclins à ne rien faire... [Début]

3. Celles et ceux qui se demandent ce qui est arrivé

Il y a presque cinq ans, en septembre 2010, j'ai tenté d'ouvrir une discussion sur Proz, à propos de la concurrence potentielle du Web. Pas loin de 1400 personnes ont lu l’info depuis, mais je n'ai jamais eu AUCUNE réponse !!!


Or à l'époque, ce qui avait déclenché ma curiosité était un financement de 750 000 dollars pour une société nouvelle entrante sur le marché, donc mes questions implicites étaient les suivantes :
... Si les traducteurs pros ne s’emparent pas de ces sujets pour les disséquer, tenter de comprendre – ensemble – ce qui se passe et réagir, et bien du jour au lendemain, beaucoup d’entre nous risquent de se réveiller totalement dépassés par les événements. 
Car la condition sine qua non pour agir sur les événements et tenter de les influencer, c’est d’abord de les connaître et de les analyser pour comprendre par quel bout les prendre… 
Or quand je lis une info pareille, immédiatement les interrogations et les réflexions se bousculent : 
- Pourquoi des gens investissent-ils autant d’argent dans un business qui pratique des prix de 70% inférieurs aux prix du marché ? Je ne pense pas qu’ils le fassent parce que ce sont des idiots (l’un des investisseurs a co-créé Skype…), mais parce qu’ils espèrent rentabiliser leur placement. Ce qui signifie que d’autres logiques économiques sont en train de se mettre en place, d’autres approches, d’autres technologies, etc. 
- Quelles sont-elles, qu’en savons-nous, quels seront les impacts sur nos modèles actuels de tarification, comment y faire face, comment nous positionner, comment nous différencier, comment marquer et transmettre notre valeur ajoutée aux clients potentiels, etc. 
- Une autre conséquence, évidente, est que face à cette éclosion de nouvelles technologies et de nouveaux services (je pourrais vous en citer une dizaine du type MyGengo et autres), s’il fut un temps où la profession aurait pu être réglementée, cette époque est définitivement révolue. La question n’est plus à l’ordre du jour, et elle ne le sera plus jamais. On pourra toujours le regretter, mais c’est un fait. 
- Etc. 
J’arrête là, mais pour conclure, je dirais que nous sommes à la veille de grands bouleversements pour notre métier, bien des conséquences prévisibles sont déjà sous nos yeux, et il ne sert à rien de tourner le regard dans l’autre direction en se disant que ça passera. Ne pas réagir équivaudrait à permettre que, demain, la traduction puisse se faire sans les traducteurs, or je ne crois pas que c’est ce que nous voulions !
Or savez-vous combien Gengo a levé depuis ? 24,2 millions de dollars, en 6 tours de table, auprès de 23 investisseurs !!! Le dernier en date étant tout récent :


L'année dernière à cette même période, la société annonçait avoir déjà traduit 200 millions de mots, soit une moyenne de 4 mots par seconde grâce à son réseau de 10 822 traducteurs disséminés dans 114 pays !

Des exemples similaires, il y en a énormément, mais apparemment, ça ne semble pas trop interpeller le microcosme des traducteurs professionnels, qui continuent de faire comme si de rien n'était, imperturbables... Perdus dans leur ère jurassique sans avoir vu venir ni arriver l'âge numérique. Qui est là pourtant, profondément enraciné, et c'est parti pour durer. Mais grand bien leur fasse, même si, pour beaucoup, le réveil risque d'être dur... [Début]

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Conclusion

La résistance au changement est un phénomène bien connu qui alimente les querelles entre les anciens et les modernes de toutes les époques, et pourtant depuis l'invention de l'imprimerie l'écrit n'a jamais tué l'oralité, par plus qu'avec l'avènement d'Internet l'écran ne tuera l'écrit. C'est tout simplement une superposition de couches nouvelles qui vont compléter les sédimentations précédentes, lesquelles tirent d'ailleurs un regain de vitalité des plus récentes.

Il en va de même avec les nouvelles sciences et technologies de l'information, de la communication ET de la traduction, où les dernières entrantes s'ajoutent à leurs aînées sans les faire disparaître, il y a juste la nature du travail qui évolue et change, par conséquent les professionnels doivent apprendre à apprivoiser et maîtriser ces nouveaux outils. Un défi pour toutes les générations de traducteurs-interprètes, des étudiants fraîchement émoulus aux gens de métier chevronnés qui, comme moi, ont désormais leur avenir derrière eux plutôt que devant...

Donc, de grâce, relevons le gant car, comme l'aurait si bien dit Coluche, il serait temps de mettre un frein à l'immobilisme ! Ne serait-ce que pour redorer le blason de la traduction... [Début]




1 commentaire:

  1. La traduction comme tout domaine doit s'intéresser aux avancées techniques afin d'aider ses traducteurs à fournir des travaux de plus en plus qualitatifs !
    L'agence de traduction Cultures Connection a bien compris cet enjeux et reste sans cesse à la pointe de la nouvelle technologie !

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