lundi 20 avril 2015

TINVOM - Translation and Interpreting: New Voices On the Marketplace

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Dans le cadre de son Mastère professionnel en Traduction appliquée, l'Institut Supérieur des Sciences Humaines de Tunis (ISSHT), qui fait partie de l'Université El Manar, a organisé sa première conférence internationale à Tunis, du 16 au 18 avril 2015 (voir le programme ici et ), sur le thème Translation and Interpreting: New Voices On the Marketplace (TINVOM).

Une conférence à laquelle les organisateurs m'ont fait l'honneur de m'inviter, presque huit ans après Hammamet, et qui a été, de mon point de vue, un véritable succès et une excellente occasion d'ouverture pour les étudiants de rentrer en contact, souvent pour la première fois, avec des réalités dont ils avaient jusqu'alors une vision plus théorique que pratique.

Mais avant de dire quoi que ce soit, permettez-moi de remercier toute l'organisation de la conférence autant que les étudiantes et les étudiants tunisiens, ainsi que les participantes et les participants en général (certains venaient de Libye, d'Algérie, d'Europe, etc.), pour leur accueil chaleureux et leur générosité. Je m'excuse toutefois à la place des absents (dont cinq au moins auraient dû venir d'Italie !), qui ont préféré déserter la conférence après les événements tragiques au Musée du Bardo, même si, personnellement, je pense que ce n'était pas la bonne décision, ne serait-ce qu'au nom de l'amitié entre les peuples.

Ceci dit, venons-en à ce que j'ai retenu de la conférence et de quelques présentations auxquelles j'ai pu assister. Je retiens surtout celles d'Anthony Pym (Universitat Rovira i Virgili), de Maeve Olohan (University of Manchester), Houssem Ben Lazreg (University of Alberta, Canada), Vicente Rafael (University of Washington, Seattle), Adam Leggat (The Densus Group) ou encore Mohamed Jabeur, professeur et interprète de haut niveau. Je mentionnerais également deux interventions auxquelles je n'ai pas pu assister car j'étais pris au même moment dans d'autres ateliers, celles de Amani Rabeh (Université Lumière Lyon 2), dont l'argument (Pour un enseignement plus efficace de la traduction à l'université) m'intéresse tout particulièrement, et de Habiba El Ghoul, étudiante de l'ISSHT, qui est la seule, sauf erreur de ma part, à avoir tenu sa présentation en italien.

Je vais donc dire quelques mots sur les 7 présentations (Maeve Olohan est intervenue deux fois) auxquelles j'ai assisté, avant de conclure sur la mienne.
L'idée centrale de cette présentation, selon moi, c'est que la post-édition d'une traduction automatique permet aujourd'hui d'atteindre le point de bascule (the tipping point), au-delà duquel il n'y a plus vraiment de différence qualitative significative entre une traduction humaine et une traduction automatique post-éditée, avec même quelques avantages de productivité en faveur de cette dernière. Tout dépend évidemment de la qualité des bases de données avec lesquelles on travaille (tant en évitant les bases "polluées" qu'en opérant inversement au GIGO), et j'ajouterais que si l'on y ajoute la pré-édition (à savoir intervenir sur le texte source avant de le soumettre à la TA), pour augmenter la qualité et la traductibilité du texte de départ (cf. plain language, à titre d'exemple), on peut faire des progrès tout à fait étonnants. Or que les pros se rassurent, bien que les mythes aient la peau dure, la pratique est encore loin d'être généralisée...


  • Prof. Maeve Olohan, sur la vulgarisation des sciences, et sur la gestion de projet en milieu de travail comme nouveau débouché pour les aspirants traducteurs
La première intervention étant davantage didactique, je me concentrerai plutôt sur la seconde, basée sur une étude menée directement auprès des agences de traduction qui emploient des PM (Project Managers), pour voir quoi intégrer, et comment, dans le CV d'un nouvel aspirant traducteur. Or le fait est que de moins en moins de grosses agences emploient des traducteurs en interne, et préfèrent confier chaque projet de traduction à un responsable dédié, le PM, qui prend souvent totalement en charge l'interaction avec le client d'un côté, et le traducteur de l'autre. Et même s'il serait préférable qu'un PM soit aussi et d'abord un traducteur de métier, tous ne le sont pas, loin de là. Ou bien connaissent certaines langues et ont des notions de traduction, mais aucune pratique du métier en tant que tel. Pour autant, le poste de "responsable projet" peut s'avérer un débouché alternatif intéressant pour nombre de jeunes intéressés à la traduction, même s'il implique d'autres compétences, notamment en termes de localisation.


  • Houssem Ben Lazreg, sur la traduction du Printemps arabe à travers la poésie, et plus spécialement à travers le poème "Le visa", du poète égyptien, Hisham Al Gakh

L'intervention de Houssem, qui a traduit le poème de l'arabe vers l'anglais, portait sur les difficultés de traduction spécifiques à la poésie, et sur le choix des formes et des termes que le traducteur doit faire en permanence. C'est un problème que je connais de près pour avoir moi-même traduit plusieurs fois de la poésie et des chansons de l'italien vers le français, y compris avec l'italien comme langue pivot (dans le cas de poèmes de Jean-Paul II, que la maison d'édition italienne a fait traduire vers les autres langues à partir de l'italien, et non du polonais). Je ne traduis plus de poésie actuellement, même si à l'époque j'ai récolté des critiques fort élogieuses...

Quant au titre du poème, il est bien moins anodin qu'il n'y paraît, puisque l'obtenir peut vous ouvrir les portes de l'avenir, là où un refus peut vous les fermer. Ce qui est la réalité de beaucoup d'étudiants tunisiens m'ayant confié qu'ils aimeraient venir étudier en Italie et ne pas pouvoir à cause du refus des autorités italiennes de leur accorder un visa !
  • Prof. Vicente Rafael, sur les interprètes en zone de guerre
De la poésie à la guerre, avec cette présentation du Prof. Vicente Rafael en liaison Skype depuis Seattle, intitulée Translation in Wartime (une conférence est disponible ici), dont les propos m'ont particulièrement frappé ! Par la nature des situations qu'il a décrites, bien sûr, mais également en essayant de me mettre à la place d'interprètes qui évoluent dans un entre-deux hostile, un no man's land qui est le plus souvent ... leur propre terre ! L'exemple donné est celui des États-Unis en Irak, durant la troisième guerre du Golfe entre 2004 et 2009, où l'armée américaine n'eut d'autre choix que de faire appel à des interprètes natifs, ainsi plongés dans une réalité peu enviables : instinctivement considérés comme des ennemis potentiels par les U.S., et comme des traîtres à la cause et à leur pays par leurs compatriotes...


L'autre point soulevé par le professeur Rafael, auquel je suis particulièrement sensible, est celui de la langue de l'Empire comme moyen de domination, et des expressions qu'il a mentionnées telles que "National Security Language Initiative", "Standard American English" ou "Language of Rule" ne cessent de m'interpeller. Beaucoup de choses qui restent donc à approfondir, et exigeront du temps...
  • M. Adam Leggat, sur les qualités essentielles de l'interprète, vu côté client
Passons de la guerre à la police, avec cette présentation vraiment étonnante, une intervention de M. Adam Leggat, écossais, ex-militaire de carrière. Son employeur, le groupe Densus, qui forme actuellement les forces de police tunisiennes sous la direction de M. Leggat, intervient partout dans le monde dans des théâtres difficiles, autant au plan géographique qu'opérationnel. La qualité de leur action dépend donc étroitement de la qualité de l'interaction qu'ils réussissent à instaurer avec les gens du lieu, avec qui le dialogue ne peut se faire que par le biais d'interprètes. Monsieur Leggat propose donc une vision des interprètes du point de vue du client, et quel client, pour qui les situations sont au mieux critiques, et au pire dramatiques. Pour lui, qui a tenu à répéter plusieurs fois que les interprètes sont bien plus que des collaborateurs externes, puisqu'ils deviennent membres de l'équipe à part entière, les qualités essentielles d'un bon professionnel de l'interprétation sont au nombre de 4 :
  1. preparation
  2. questions/clarifications
  3. flexibility
  4. trust
1. La préparation

Il ne s'agit pas seulement d'être préparé au plan terminologique, mais aussi et surtout au contexte et aux différences culturelles, l'interprète servant de guide au sens large pour éviter les écueils de l'incompréhension propres aux différentes façons de penser, de vivre et de voir les choses.

2. L'humilité

Ce n'est certes pas le terme utilisé par M. Leggat, mais c'est ainsi que je vois les choses. Il nous a avoué que le fait d'être face à un interprète qui jamais ne pose de questions ni ne demande d'éclaircissements le rend particulièrement nerveux. L'interprète peut être plus ou moins spécialisé, mais ce n'est pas l'expert. Il faut donc accepter de ne pas tout savoir et interroger l'expert en cas de doute, ou tout simplement parce qu'on ignore ce dont il faudrait qu'on parle.

3. La capacité d'adaptation

Flexibilité mentale, les interprètes devant parfois évoluer dans le tumulte et au milieu de gens bruyants ou courant dans tous les sens, voire dans le vacarme d'explosions et de foules en émeute. Ce qui n'est pas forcément le meilleur cas de figure pour une prestation de qualité, les gens du métier en conviendront...

4. La fiabilité

M. Leggat parle de confiance, du point de vue du client, mais cela implique d'autre part que l'interprète doive être fiable, d'où mon choix terminologique, vu du côté de l'interprète.


Pour conclure, dans la foulée de celle de M. Vicente Rafael, cette intervention de la part d'un bourlingueur totalement étranger à notre métier, tant de par son expérience militaire que de par sa formation, mais qui entretient des relations aussi étroites avec les interprètes, m'a particulièrement interpellé.
  • Monsieur Mohamed Jabeur, sur les interdépendances entre la sociolinguistique et l'interprétation
Sociolinguiste prêté à l'interprétation de haut niveau, ayant interrogé sa pratique du métier pour voir les raccords possibles avec notre profession, notamment au niveau des différents registres de la langue, j'ai beaucoup apprécié la clarté d'exposition de Monsieur Jabeur et sa description des difficultés auxquelles doit faire face l'interprète en situation, autant en cabine qu'en interprétation consécutive. Ses anecdotes sur Mouammar Kadhafi défiant personnellement les interprètes de traduire des expressions libyennes à la limite de l'intraduisible, sur des égyptiens parlant un arabe dialectal tout en étant convaincu qu'il s'agissait de l'arabe standard ou encore sur le sourire exagéré des ougandais davantage motivé par des habitudes culturelles que par des raisons justifiées ont particulièrement amusé l'assistance, rien de tel qu'un bon rire collectif pour détendre l'atmosphère.

  • Jean-Marie Le Ray, sur le branding & marketing pour traducteurs & interprètes
Accordez-moi la licence de terminer par moi-même sur une présentation liée à mes formations et à la vision que j'ai d'un marketing de la traduction pour mettre toujours plus en valeur l'image de notre métier, autant auprès des traducteurs-interprètes en particulier qu'auprès du marché en général. Si vous souhaitez découvrir plus en profondeur mon approche, il vous suffit de télécharger le fichier, plein de notes d'approfondissement.


Conclusion

Je remercie tout d'abord les organisateurs pour le travail et l'enthousiasme considérables qu'ils ont fournis ! Les voici :


Un merci tout particulier à Hammouda Salhi, Sabeur Jamaoui et son frère, Anouar, même s'il était absent. Enfin, tous les jours, pour aller de l'hôtel à l'ISSHT, je passais à côté de l'immense place de la Kasbah, où ont eu lieu les grandes manifestations à Tunis au début de l'année 2011. Or une après-midi, j'ai pu assister à cette cérémonie :


Ce sont les mêmes musiciens que l'on voit dans cette vidéo :



Dimanche matin, en partant vers l'aéroport, j'ai vu un jeune portant un t-shirt avec l'inscription suivante : « you don't respect our lives, we don't respect your laws... ». Je pense que la clé est là : le jour où nos gouvernants respecteront la vie des citoyens et l'avenir des jeunes, les peuples respecteront plus volontiers les lois, pourvu qu'elles soient dans l'intérêt du bien public, évidemment. Or cette envie de vivre en paix dans leur pays et en harmonie avec les autres, je l'ai rencontrée chez tous les jeunes que j'ai côtoyés pendant mon séjour, et c'est cela qu'il faut soutenir et valoriser : ce n'est pas des attentats du Bardo dont il faut parler dans tous les journaux télévisés de la planète, mais de cette envie de paix et d'harmonie des citoyens. Donc parlez-en, et faites passer le message ! Merci à la Tunisie de m'avoir accueilli si chaleureusement. J'espère revenir...




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